Boudarel, commissaire politique dans un camp vietminh et universitaire
Georges Boudarel, universitaire controversé décédé vendredi à l'âge de 77 ans, avait été visé en 1991 par une plainte pour "crimes contre l'humanité" déposée par d'anciens prisonniers français d'un camp vietminh où il était commissaire politique au début des années 50, après avoir rejoint le Vietminh communiste.
Cette plainte, contre celui qui était devenu un universitaire spécialisé du Vietnam à l'université parisienne de Jussieu, n'avait pas abouti mais avait remis au grand jour le rôle de "soldats blancs" d'Ho Chi Minh. Des centaines de Français avaient choisi, lors de la guerre d Indochine (1946-1954), par conviction, de combattre le colonialisme français aux côtés du Vietminh.
Ancien séminariste, militant du Parti communiste, professeur au lycée Marie-Curie à Saigon, Georges Boudarel choisit à 24 ans, en 1951, de rallier le Vietminh "par idéalisme". En octobre 1952, il devient commissaire politique au camp 113, un des nombreux camps où sont détenus - dans des conditions souvent inhumaines - et endoctrinés 37.000 prisonniers français de métropole et des colonies africaines (10.000 seulement survivront). Il y sera jusqu'en août 1954, cinq mois après la chute de Dien Bien Phu, qui marque la défaite française.
En 1991, d'anciens prisonniers du Vietminh, emmenés par l'ancien secrétaire d'Etat RPR à la Défense Jean-Jacques Beucler, accusent M. Boudarel d'avoir "du sang sur les mains" comme "commissaire politique" et "tortionnaire" dans le camp 122, où, assure M. Beucler, "le taux de mortalité était supérieur à celui des camps nazis".
Mais si Georges Boudarel reconnaît avoir été "instructeur politique" dans un camp, il précise qu'il s'agit du camp 113, affirme n'avoir jamais été au camp 122 et dément catégoriquement avoir exercé des sévices physiques, ce qu'admettent les témoins intervenus, qui font état, eux, de "tortures morales".
Ces accusations suscitèrent de vives réactions chez des historiens et des intellectuels, qui participèrent à la lutte anticolonialiste, comme Jean Lacouture, Pierre Vidal-Naquet ou François Maspero.
Le 20 décembre 1991, un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris avait estimé que les faits étaient amnistiés.
Les parties civiles, conduites par Wladyslas Sobanski, un ancien prisonnier du camp 113, avaient formé pourvoi contre cette décision mais la Cour de Cassation avait rejeté ce pourvoi en avril 1993, mettant ainsi fin à "l'affaire Boudarel.
La plus haute juridiction avait estimé que les faits en cause ne constituaient pas des crimes contre l'humanité et que, de toute façon, la loi de 1966, amnistiant "les crimes commis en liaison avec l'insurrection vietnamienne et antérieurs au 1er octobre 1957" devait être appliquée.
Georges Boudarel avait quitté le Vietnam peu après l'indépendance. Condamné à mort par contumace pour sa collaboration avec le Vietminh, il avait bénéficié de la loi d'amnistie de 1966, puis était devenu maître-assistant, spécialisé dans la civilisation vietnamienne, à l'université de Jussieu qu'il avait quittée en 1992.
Georges Boudarel avait publié en 1991 deux ouvrages ("cent fleurs écloses dans la nuit du Vietnam" et une autobiographie) assez critiques sur le Vietnam socialiste. "Je ne suis plus communiste. Je demeure seulement anticolonialiste", avait-il dit en 2001.
En juillet de cette année-là, il avait écrit au président vietnamien et au secrétaire général du Parti communiste vietnamien pour demander la libération de Tadeus Nguyen Van Ly, un prêtre catholique dissident.
Par Pierre Marie Giraud - Agence France Presse - 29 décembre 2003.
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