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Le gouvernement Trudeau jugeait la mission de paix au Vietnam biaisée

OTTAWA - Le Canada s'est retiré de sa brève mission de maintien de la paix au Vietnam il y a une trentaine d'années parce que selon Ottawa, le système était biaisé en faveur du Nord-Vietnam communiste. Des dossiers du cabinet fédéral datant du printemps 1973, dévoilés publiquement pour la première fois lundi, montrent que le gouvernement Trudeau s'est longuement interrogé sur le rôle du Canada au Vietnam, avant de jeter l'éponge.

Une Commission internationale de contrôle et de surveillance (CICS), regroupant des représentants de quatre pays, avait été mise sur pied dans le cadre des Accords de paix de Paris qui mettaient fin à la participation américaine à la guerre du Vietnam. Le Canada, l'Indonésie, la Hongrie et la Pologne formaient la commission, qui était censée superviser un cessez-le-feu et contribuer à pacifier le pays, alors divisé entre le nord et le sud. Deux des membres de la commission, la Pologne et la Hongrie, qui appartenaient alors au bloc communiste, fermaient les yeux sur les actions des Nord-Vietnamiens. Selon un document relatif à une séance d'information du cabinet, la commission ne pouvait fonctionner.

"On avait enregistré 7000 violations du cessez-le-feu (...) La commission a été appelée à enquêter sur seulement 31 plaintes, qui n'ont donné lieu qu'à deux rapports", peut-on lire dans le procès-verbal de la séance. Le Canada avait adhéré à la commission sur les instances de Washington, et les Américains voulaient que les Canadiens restent. Mitchell Sharp, alors ministre des Affaires extérieures, avait déclaré à ses collègues que Washington craignait qu'un retrait du Canada ne perturbe une paix fragile.

En mars, le cabinet était divisé, et décidait de poursuivre la participation canadienne aux efforts de paix pendant 60 jours supplémentaires. Mais l'information fournie aux ministres était de nature pessimiste. "Etant donné la composition de la CICS, celle-ci fonctionnera vraisemblablement à l'avantage de la partie communiste (...) parce que seuls les constats et les rapports dirigés contre la partie non communiste seront unanimes, voire possibles, dans certains cas." En mai, le cabinet était convaincu que la mission était futile.

M. Sharp a dit à ses collègues que la CICS était inefficace et ne contribuait pas au maintien de la paix, ajoutant que les querelles au sein de la commission ne favorisaient pas les relations du Canada avec la Hongrie et la Pologne. Washington, a-t-il dit, ne serait pas fâché d'un retrait canadien. Le cabinet a alors décidé de se retirer, une décision qui pourrait avoir été encouragée par un rapport des services de renseignement qui prédisait que l'impasse ne cesserait que lorsqu'une ou l'autre des parties attaquerait l'autre, vraisemblablement "dans quelques mois ou dans deux à trois ans".

Le Nord-Vietnam a lancé son offensive exactement deux ans plus tard, pour s'emparer de Saïgon le 30 avril 1975.

Par John Ward - La Presse Canadienne - 27 Septembre 2004.