Les "belles heures" du Vietnam et de l'Indochine
PARIS - Plusieurs livres français, parus ces jours-ci, célèbrent à leur
manière les" belles heures" du Vietnam et de l'Indochine, au moment où une nouvelle
version du film "Apocalypse Now" montre des colons français refusant, malgré le
conflit, de quitter un pays en guerre.
Née d'un Français disparu et d'une Vietnamienne, Kim Lefèvre quitte le Vietnam à
l'âge de 20 ans pour s'installer à Paris. Elle fait du théâtre, écrit, traduit des livres de
l'écrivain Nguyên Huy Thiêp.
Les éditions de l'Aube (qui éditent le prix Nobel Gao Xingjian) ressortent "Métisse
blanche" (69 F, 410 pages) et "Retour à la saison des pluies" (59 F, 222 pages), deux
récits autobiographiques qui sont un beau voyage intérieur. "C'est Proust au pays des
nems", a dit un critique à propos du deuxième livre.
Kim Lefèvre y raconte son enfance à Saïgon, le départ pour la France, l'éternelle
recherche des racines, le destin "des enfants-fruits de la colonisation". Le Vietnam
qu'elle dépeint est éloigné des descriptions traditionnelles de l'Indochine coloniale.
Elle parle d'un Vietnam "authentique", comme il est rarement offert au lecteur francophone, assure en préface
Michèle Sarde, ajoutant qu'elle "nuance le cliché de l'aliénation coloniale".
"Où son passés la beauté, le calme, le luxe que j'ai tant admirés?", dit Kim Lefèvre, de retour au couvent des
oiseaux, à Dalat, où elle fut élève à la fin des années 50. Elle ne voit alors qu'une "bâtisse lépreuse".
Christiane d'Ainval cite la romancière dans son essai "Les belles heures de l'Indochine française" (Perrin, 135
F, 308 pages), qui paraît à l'heure où la France ne cesse de se repentir d'avoir été "colonialiste".
Selon l'auteur, plus de 1.000 ouvrages ont été consacrés à la guerre d'Indochine qui dura neuf ans mais peu ont
traité de l'ensemble de l'oeuvre française en Indochine qui s'étendit sur trois siècles.
Au 17ème siècle, la France était essentiellement représentée dans la région par des missionnaires. Persécutés
(prétexte invoqué, sous Napoléon III, pour le débarquement de soldats français), ils furent rejoints par des
planteurs et des ingénieurs, des administrateurs et des archéologues.
"Pour de nombreux Français, implantés en Indochine depuis plusieurs générations, le départ fut une
catastrophe. Ils s'étaient jugés utiles et avaient cru qu'ils étaient appréciés", dit Christiane D'Ainval.
Un Américain a titré un récit de la guerre de son pays en Indochine: "L'innocence perdue". Un Français a parlé,
pour un ouvrage concernant la France, de "La fin d'un rêve": "deux mentalités différentes. Deux titres à certains
égards bien choisis", estime-t-elle.
L'engagement respectif de ces puissances occidentales au Vietnam est au coeur de la principale scène ajoutée
par Francis Ford Coppola dans le nouveau montage de son chef d'oeuvre. Des Français, refusant de
comprendre que l'époque bascule, invitent à dîner, dans une magnifique demeure isolée en pleine jungle, des
soldats américains. Ils tentent de justifier leur entêtement, au cours d'une discussion très géopolitique, assez
décalée par rapport au reste du film.
D'autre part, Danièle Mazingarbe et Phuong Xuan cosignent "Ao daï: du couvent des oiseaux à la jungle du
Vietnam" (Plon, 258 pages, 118 F), Phuong Xuan ayant été elle aussi élève de l'école de Dalat. L'"ao daï" est
la tunique traditionnelle, symbole de la femme vietnamienne.
Enfin, les historiens Jean-Luc Einaudi et Pierre-Richard Feray écrivent respectivement "Vietnam!" (Le
Cherche-Midi, 240 pages, 115 F, récit de la guerre de 1945 à 1954) et "Le Vietnam" (PUF, 128 pages, 42
F).
Agence France Presse, le 24 Mai 2001.
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