Clinton tourne la page de la guerre au Viêt-nam
HANOI - Comme un touriste, Bill Clinton
s'est payé hier un phô (soupe
vietnamienne) dans un petit
restaurant de Ho Chi Minh-Ville,
où le patron l'a complimenté sur sa
maîtrise du maniement des
baguettes. Puis, déambulant dans
une rue commerçante du
centre-ville de l'ancien Saigon, le
président américain a pu juger, une
nouvelle fois, de sa surprenante popularité, les foules se précipitant
pour lui serrer la main, en dépit d'un strict dispositif policier.
Comme
ce fut le cas à son arrivée à Hanoi, jeudi soir, des dizaines de milliers
d'habitants ont applaudi, samedi, sur le passage de son cortège dans
la capitale méridionale. «C'est incroyable», a-t-il confié par la suite
aux journalistes. Il devait quitter le pays hier soir, à l'issue d'une visite
officielle de quatre jours que le Viêt-nam n'est pas près d'oublier.
Déminage. «Avant, nous étions ennemis, aujourd'hui nous sommes
partenaires», a assuré Clinton samedi sur un site de fouilles, près de
Hanoi, où sont recherchés les restes d'un pilote américain abattu en
1967. Le Président, qui avait fait de la coopération de Hanoi dans la
recherche des soldats américains disparus pendant la guerre du
Viêt-nam (1964-1975) un préalable au rétablissement des relations
diplomatiques, a réitéré l'intention des Etats-Unis d'élucider le sort des
1 992 missing in action (disparus) restants. Promettant une aide pour
la recherche des 300 000 bo-doi (soldats nord-vietnamiens) disparus
au combat, il s'est aussi engagé à épauler le Viêt-nam dans ses
opérations de déminage - «jusqu'à ce que vous ayez trouvé toutes
les mines et toutes les munitions non explosées». Paradoxalement,
les Etats-Unis et le Viêt-nam font partie des 54 pays ayant refusé de
signer le traité international d'interdiction des mines antipersonnel de
1997.
«Les années d'animosité appartiennent désormais au passé», a
également lancé hier Clinton à un auditoire d'hommes d'affaires dans
l'ex-Saigon, tout en annonçant 200 millions de dollars de crédits et
des mesures incitatives pour les investisseurs américains.
«Ingérences». C'est avec animosité que le régime communiste a
réagi aux remarques sur les droits de l'homme adressées vendredi par
Clinton - même si la télévision, qui retransmettait en direct ses propos,
avait omis de traduire les passages sacrilèges. Le secrétaire général
du Parti communiste, Le Kha Phieu, qui avait reçu Clinton samedi, l'a
réprimandé sur ses «ingérences». Le président américain ne s'est pas
gêné pour récidiver, hier, en affirmant que «personne ne devrait nier
au peuple vietnamien la possibilité de vivre mieux». Il a plaidé pour
une réconciliation du Viêt-nam avec sa diaspora - très anticommuniste
-, forte d'un million de personnes aux Etats-Unis.
Par Philippe Grangereau - Libération, le 20 Novembre 2000.
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