~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

[Année 1997]
[Année 1998]
[Année 1999]
[Année 2000]
[Année 2001]

La visite de Bill Clinton a mis en lumière les divisions du pouvoir

HO CHI MINH VILLE - Riche en symboles, la visite du président Bill Clinton au Vietnam a mis en relief les divisions au sein du régime communiste entre les réformateurs favorables à l'économie de marché et les conservateurs qui souhaitent le maintien du contrôle de l'Etat. Pour les réformateurs qui estiment que le seul moyen pour le Vietnam de ne pas continuer à être à la traîne par rapport aux pays voisins est l'accélération de l'ouverture économique, la venue avec Bill Clinton de centaines d'hommes d'affaires américains est une confirmation de leur politique.

Mais pour les conservateurs qui craignent qu'une réduction du contrôle de l'Etat sur l'économie n'entraîne l'affaiblissement de leur pouvoir, l'insistance de Bill Clinton à dire que la liberté de l'information est indispensable au progrès économique ne fait que renforcer leurs soupçons. Les ministres réformateurs du gouvernement du Premier ministre Phan Van Khai ont réaffirmé aux responsables américains leur engagement à poursuivre l'ouverture et la libéralisation du commerce.

Au cours des 10 ans à venir, "nous allons devoir accélérer le processus d'intégration (du Vietnam) pour accroître nos exportations et les investissements étrangers dans notre pays", a déclaré le ministre du commerce Vu Khoan, qui a signé en juillet dernier l'accord commercial bilatéral avec les Etats-Unis. "Nous allons aussi tenter d'essayer d'accélérer notre intégration à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'accord bilatéral commercial avec les Etats-Unis est une étape positive dans cette direction", a ajouté M. Khoan après avoir rencontré la représentante au Commerce américaine Charlene Barshefsky.

Mais, de son côté, le numéro un vietnamien, le secrétaire général du parti communiste Le Kha Phieu, a jeté un froid sur cet optimisme en insistant alors qu'il recevait Bill Clinton sur le fait que la guerre du Vietnam avait été une victoire et non une tragédie car elle avait permis au pays d'avancer sur la voie socialiste. Chef des clans conservateurs, M. Phieu a réaffirmé que son pays continuerait son combat pour établir une société communiste, que cela prenne 100 ans ou plus. La lutte entre les réformateurs menés par le Premier ministre Khai et les conservateurs de M. Phieu est un leitmotiv de la politique au Vietnam, mais les observateurs estiment que la visite de Bill Clinton va encore l'accentuer. "Elle n'a pas créé de divergences, mais elle les a rendues publiques", a estimé un diplomate européen.

Pour le professeur Carl Thayer, un spécialiste du vietnam du Centre des études stratégique d'Honolulu, la positon de Le Kha Phieu peut aussi s'expliquer par le fait qu'il n'a que rarement quitté le Vietnam. La visite du secrétaire général du PCV l'été dernier en France et en Italie était son premier voyage en dehors d'un pays communiste, a rappelé M. Thayer. "Ce n'est pas quelqu'un qui parle facilement avec des étrangers. Le Premier ministre Phan Van Khai et le président de la république Tran Duc Luong ont l'habitude, mais pas lui", a-t-il dit. "La tirade anti-américaine de Phieu ne doit donc pas forcément être considérée comme une indication d'une modification de l'équilibre du pouvoir entre réformateurs et conservateurs", a-t-il ajouté.

Pour les observateurs, la visite de Bill Clinton semble plutôt avoir renforcé la cause des réformateurs. La dizaine de contrats ou lettres d'intention signés pendant la visite de M. Clinton a souligné les potentialités du pays pour les investisseurs. "La visite du président américain a sans aucun doute bénéficié à Phan Van Khai", a ajouté Carl Thayer.

Mais il a estimé que le résultat de la visite présidentielle ne se verrait pas immédiatement et qu'il ne fallait pas s'attendre à une ruée des investisseurs qui ont été échaudés ces dernières années par l'étendue de la corruption et des tracasseries administratives au Vietnam. "Les gens attendent de voir comment sera appliqué dans les faits l'accord commercial bilatéral, et la visite de Bill Clinton a relancé leur attention" a conclu Carl Thayer.

Agence France Presse, le 20 Novembre 2000.


L'accueil de Clinton par la population est un avertissement pour le régime

HO CHI MINH VILLE - L'accueil enthousiaste réservé au président américain Bill Clinton par la population vietnamienne pendant les trois jours de sa visite au Vietnam est un avertissement pour le régime communiste vietnamien qui avait tout fait pour qu'elle passe inapercue. Des dizaines de milliers d'habitants d'Hanoi et de Saigon n'ont pas hésité à veiller une partie de la nuit pour venir attendre le président américain lors de son arrivée dans ces deux villes.

Lors du passage de Bill Clinton, les applaudissement fusaient et, pendant ses promenades dans les rues, les gens se pressaient pour tenter de serrer la main du représentant de l'ennemi d'hier. Pourtant, la presse officielle n'avait donné aucune publicité à la visite de Bill Clinton, qui s'est achevée dimanche, et s'était contentée de l'annoncer dans un communiqué laconique publié quelques jours avant son arrivée. La population vietnamienne a ainsi démontré qu'elle était beaucoup plus intéressée par la venue du président américain que ne le pensaient les responsables du pays, a noté un diplomate occidental en poste dans la capitale.

"Elle dispose aussi d'autres sources d'informations que les médias officiels", a-t-il ajouté. Si les journaux locaux avaient reçu des consignes strictes du Comité idéologique du Parti communiste vietnamien les enjoignant de ne se contenter de reproduire les informations diffusées par l'agence nationale d'information, il restait en effet à la population d'autres moyens de se tenir informée. Les vietnamiens peuvent capter des émissions consacrées au Vietnam par les radios étrangères et la Voix de l'Amérique, la BBC et Radio France internationale sont reçues en général sans problèmes.

Ceux, assez peu nombreux, qui ont les moyens d'acheter une antenne parabolique ou possèdent un ordinateur, peuvent également regarder la chaîne de télévion américaine CNN ou se brancher sur l'internet. Ces médias avaient consacré un place importante à la première visite d'un président américain au Vietnam depuis la fin de la guerre entre les deux pays il y a 25 ans. Les vietnamiens sont également au courant des multiples appels lancés par Bill Clinton en faveur des droits de l'homme, des libertés religieuses et de la libéralisation économique. Le discours prononcé par le président américain à l'université de Hanoi, le premier d'un chef d'Etat étranger retransmis en direct à la télévision, dans lequel M. Clinton a lancé un vibrant appel en faveur des libertés fondamentales, a été peu compréhensible du fait d'une traduction approximative, mais les vietnamiens ont tenté d'en savoir plus.

"Beaucoup de mes amis ont cherché à obtenir une copie du discours du président, mais malheuresement ce texte n'a pas été publié par la presse", a ainsi dit à l'AFP Hoang Tuan Viet, 34 ans, propriétaire d'un magasin d'électronique. Le texte du discours "est très recherché car il a reçu un grand écho chez nous. J'ai l'impression que le président (Clinton) comprend parfaitement la situation au Vietnam", a-t-il ajouté. "Les libertés individuelles sont sérieusement violées au Vietnam, notamment dans les campagnes où la corruption demeure très inquiétante", a-t-il estimé.

Lors de son entretien avec Bill Clinton, "le chef du Parti (Le Kha Phieu) a parlé de la réussite du socialisme au Vietnam. "Mais j'ignore combien de personnes parmi les 2,5 millions de membres du Parti communiste ont confiance et le croient", a remarqué M. Viet. Cette réaction des citoyens ordinaires devrait "aider les dirigeants à comprendre qu'ils avaient fait une erreur de calcul, et ils pourraient en tirer profit", a commenté le diplomate occidental.

Agence France Presse, le 20 Novembre 2000.