Clinton vante les droits de l'homme au Viêt-nam
HANOI - La popularité de Bill Clinton
auprès des jeunes Vietnamiens
est décidément impressionnante.
Parmi la foule de milliers
d'étudiants qui attend vendredi son
arrivée à l'auditorium de l'université
nationale de Hanoi, l'enthousiasme
l'emporte sans conteste. «Je le
trouve beau», souffle Huyenn,
une étudiante en économie de 24 ans, en ajoutant: «C'est l'homme le
plus puissant du monde.» «La vieille génération, celle de mes
parents, ne peut pas oublier les bombes et les horreurs du passé,
mais nous, la jeune génération, pouvons le faire», dit Dinh, une
étudiante en anglais de 22 ans, pour expliquer l'engouement paradoxal
des Vietnamiens pour le président américain, vingt-cinq ans après la
fin de la guerre du Viêt-nam. A son arrivée à l'université, le cortège
présidentiel a été applaudi par cette haie d'étudiants curieux, qui
s'étaient déplacés d'eux-mêmes pour tenter d'apercevoir Bill Clinton.
En direct. Dans l'auditorium de l'université, où étaient regroupés une
centaine de jeunes sélectionnés, le président américain a pris le risque
de froisser ses hôtes vietnamiens en soulignant l'importance du respect
des droits de l'homme et de la liberté religieuse. Son discours était
retransmis en direct à la télévision vietnamienne - une première pour
un chef d'Etat étranger. «Notre expérience nous a appris que
garantir le droit à l'exercice de la religion et le droit à la
dissidence politique ne menace pas la stabilité d'une société»,
a-t-il lancé dans une allusion évidente au manque de libertés
fondamentales fréquemment reproché au régime communiste. Le
respect des droits de l'homme, a-t-il énoncé, «renforce la confiance
du peuple [américain] dans l'équité de nos institutions». «Rien ne
vaut la liberté de la presse pour débusquer la corruption», a-t-il
ajouté en évoquant un peu plus loin les avantages de «la liberté de
pensée et de parole». «Nous ne cherchons surtout pas à imposer
notre point de vue... c'est à vous de décider», a-t-il fini par
proclamer, avant de promettre que davantage de bourses d'études
seraient offertes aux étudiants souhaitant aller se perfectionner sur les
campus américains.
Bill Clinton a également rendu hommage à tous les morts de la guerre
du Viêt-nam. Evoquant le mur du mémorial érigé à Washington sur
lequel sont gravés les noms des 58 000 militaires américains tués au
Viêt-nam, il a noté que certain anciens combattants «considèrent que
l'envers de ce mur représente l'incroyable sacrifice de trois
millions de braves soldats et de civils vietnamiens des deux bords
qui ont été tués aussi dans ce conflit». «Ces sacrifices partagés
ont donné à nos deux nations des relations comme aucune
autre», a-t-il constaté avant de plaider pour que «cicatrisent les
blessures de la guerre». «Un passé douloureux peut être racheté
par un avenir prospère», a-t-il assuré, en terminant par un plaidoyer
sur les avantages de la globalisation.
Magnétophone. Déçus de ne pas avoir pu placer une seule question
- la session a été déclarée «terminée» par un officiel sitôt prononcé le
discours de Clinton - des étudiants présents n'ont pas caché leur
irritation à entendre évoqués les droits de l'homme. «Comment
peut-il donner des leçons dans ce domaine, demande Dung, un
étudiant en droit, alors que les Etats-Unis ont mené une guerre
injuste à l'Irak et à la Yougoslavie?» «Il parle d'égalité, mais les
Noirs et les Blancs ne sont pas égaux aux Etats-Unis», lance un
autre étudiant en phase avec le discours officiel. Au moment ou les
langues se délient un peu plus devant le journaliste étranger, un officiel
brandit un magnétophone dissuasif sous le nez des plus téméraires. Un
étudiante en économie ose tout de même espérer tout haut que cette
visite «provoquera des changements au Viêt-nam dans le
domaine économique... et politique».
Par Philippe Grangereau - Libération, le 18 Novembre 2000.
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