~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

Les hauts fonctionnaires vietnamiens à la barre au procès Nam Cam

Le plus grand procès pour corruption de l'histoire du Vietnam moderne, ouvert à Ho Chi Minh-Ville le 25 février, est entré dans une phase décisive avec l'interrogatoire de hauts fonctionnaires devenus des symboles de la complicité du pouvoir dans les affaires de corruption.

Truong Van Cam, alias Nam Cam, patron d'un gigantesque réseau mafieu, comparaît jusqu'à fin mai aux côtés de 154 co-accusés. Mais celui qui a fait longtemps la une des journaux a cette fois laissé la place aux plus hauts personnages de l'Etat impliqués dans le dossier.

Tran Mai Hanh, 60 ans, ex-directeur général de la radio officielle la Voix du Vietnam, exclu l'an passé du Comité central du Parti communiste vietnamien (PCV), et Pham Si Chien, 55 ans, ex-procureur adjoint du Parquet populaire suprême, ont tous deux nié les faits qui leur étaient reprochés. Chien est notamment accusé d'avoir signé en septembre 1996 une proposition de libération anticipée du "parrain", contre quelque 5.000 dollars de cadeaux. Nam Cam avait été arrêté une première fois en 1995 avant d'être relâché 30 mois plus tard.

Le magistrat "a reçu une réponse du ministère de la Police relevant que Nam Cam était un individu dangereux pour la société (...) mais il a maintenu son point de vue", selon le Lao Dong (Le Travail). Hanh a de son côté "fait publier deux articles en faveur de Nam Cam" et "a signé trois notes de travail destinées à Chien pour le pousser à signer la proposition de libération", précise le Nhan Dan (Le Peuple). La récompense aurait cette fois atteint les 8.000 dollars, une somme rondelette dans un pays où un fonctionnaire de base touche quelques dizaines de dollars par mois.

Lundi, c'est Bui Quoc Huy, ancien vice-ministre de la Police, lui aussi exclu du Comité central, qui sera à son tour appelé à s'exprimer pour avoir laissé le mafieu opérer lorsqu'il était directeur de la police de l'ex-Saïgon, entre 1996 et 2001. Le procès, présenté par le pouvoir comme la preuve de son combat contre la complicité des officiels dans les affaires criminelles, est couvert chaque jour par des journalistes vietnamiens soigneusement choisis qui publient des photos des accusés en pyjama rayé vert et jaune. Mais le régime peine à convaincre l'opinion que nul n'est passé entre les mailles du filet.

Cette semaine, un quotidien accusait nommément un colonel en activité d'avoir touché 5.000 dollars dans cette affaire sans être inquiété. Parmi les crimes dont est accusé Nam Cam figure l'assassinat de Dung Ha, mafieuse du port de Haiphong (nord-est) et lesbienne notoire, que le "parrain" avait fait supprimer.

Pourquoi a-t-il été lâché et avec lui ses protecteurs ? Certains observateurs jugent que les règlements de comptes autour de lui menaçaient la stabilité du pouvoir. Mais ils ne cachent pas leur sensation que ces accusés payent pour les autres, sacrifiés sur l'autel de la nécessité politique. Leur destin, quoi qu'il en soit, est fixé. "Tous les grands procès au Vietnam, en particulier les cas de corruption importants, sont un théâtre politique. La décision a déjà été prise", affirmait à la veille du procès Carl Thayer, de l'Australian Defence Force Academy (ADFA).

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 30 Mars 2003.