L'Asie du Sud-Est à la recherche d'une sortie de crise
HANOI - Les chefs d'Etat ou de gouvernement des neuf pays de l'Association des
nations du Sud-Eest (ASEAN) ont ouvert mardi à Hanoï leur VIe sommet. Il
réunit les présidents indonésien Jusuf Habibie, philippin Joseph Estrada,
le sultan de Bruneï Hassanal Bolkiah, les chefs de gouvernement de
Malaisie, Mahathir Mohamad, de Singapour Goh Chok Tong, de Thaïlande Chuan
Leekpai, du Laos Sisavat Keobounphanh, du Vietnam Phan Van Khai et le chef
de la junte birmane, le Général Than Shwe.
Les pays d'Asie du Sud-Est, frappés durement par la crise depuis un an et
demi, sont aujourd'hui contraints de se consacrer au difficile et nouvel
exercice de rechercher des formes, si possibles conjointes, pour tenter de
redresser leur situation économique. Des dizaines de millions de salariés
se retrouvent à la rue sans protection sociale. La stabilité politique,
tant vantée par le passé, de régimes autoritaire comme en Malaisie et
dictatorial en Indonésie est sérieusement mise en cause. En Corée du Sud,
en Thaïlande et aux Philippines, le choc de la crise peut faire exploser à
tout moment le consensus social de plus en plus ténu. Au Vietnam, en plein
passage d'une économie dirigiste au système du marché, le débat politique,
face à une situation sociale qui se dégrade, notamment pour les couches les
plus pauvres, a du mal à se frayer un chemin.
Sur le plan international, la région - devenue par la force des choses
quémandeuse d'aide - est devenue l'enjeu d'une rivalité entre le dollar et
le yen. D'autant plus que le Japon espère pouvoir tirer profit de la crise
pour tenter de créer une sorte de zone yen face à un dollar toujours
envahissant. Pour la Chine, qui en refusant de dévaluer sa monnaie, le
yuan, est apparue comme un pôle de stabilité économique, il s'agit
également d'accroître son influence, pas uniquement politique. Les
capacités de production et l'épargne des pays de l'ASEAN sont une manne
convoitée par les grands groupes. La Thaïlande, cédant aux pressions du
FMI, a mis aux enchères internationales les sociétés endettées et mises en
faillite pour cause de mauvaises dettes. La mise à prix a été fixée à
hauteur de 40% de leur valeur nominale. Une occasion rêvée pour des
multinationales, comme par exemple le Crédit lyonnais, Goldman Sachs ou
encore General Electric Capital Corp, de s'accaparer l'économie du pays
tout en espérant pouvoir récupérer avec profit à la clé les créances encore
solvables. Ira-t-on dans la même direction dans les autres pays de l'ASEAN?
Il est un fait que seule la Malaisie continue actuellement à refuser de
brader son économie. Mais à quel prix?
Dans ce contexte, malgré leur réticence à tout processus contraignant - lui
préférant durant les années fastes le système du statu quo évolutif - les
pays de l'ASEAN ont décidé d'avancer d'un an, à 2002, la date-butoir d'un
abaissement à moins de 5% des tarifs douaniers pour la plupart des pays
membres. Ils ont aussi affirmé vouloir mettre en oeuvre un vaste programme
économique destiné à accélérer l'intégration régionale et favoriser
l'investissement par des 'mesures radicales'. Ces mesures étant destinées
avant tout à attirer les capitaux étrangers.
Promesses de solidarité
HANOI _ Les pays de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) ont
conclu leur sommet à Hanoi (Vietnam) sur un engagement commun à relancer la
croissance dans la région en annonçant un programme de mesures de sortie de
crise. La Birmanie, Bruneï, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, les
Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam ont signé une
'déclaration de Hanoi', qui édicte ces mesures, et ajoutent que le club
régional 'a décidé d'admettre le Cambodge en tant que dixième membre de
l'ASEAN', sans toutefois fournir de calendrier.
Les dirigeants ont, durant ce sixième sommet, lancé des appels pressants à
la nécessité pour la région de travailler enfin collectivement à une sortie
de la crise, qui secoue tous les pays membres depuis un an et demi. 'Nous
surmonterons les difficultés économiques et sociales en travaillant dans un
esprit de coopération et de solidarité renforcés', souligne la déclaration.
Un plan d'action de Hanoi, qui couvre les années 1999 à 2004, dresse un
catalogue de mesures en faveur de règles communes de fonctionnement des
marchés des capitaux, d'une coopération monétaire et d'une coopération en
matière d'infrastructures. Il lance aussi une étude sur l'établissement
d'une monnaie commune à la région, une perspective toutefois inenvisageable
avant une vingtaine d'années. L'ASEAN a aussi décidé d'accélérer la
libéralisation du commerce et des investissements et d'avancer ses délais
pour l'établissement d'une zone de libre-échange; la région, d'un
demi-milliard d'habitants, renouvelle son engagement à 'rester un marché
ouvert'. Un communiqué séparé sur des 'mesures radicales' prévoit de fortes
incitations à l'investissement en Asie du Sud-Est sur la période 1999-2000.
La crise a commencé en juillet 1997 avec un effondrement des devises de
l'ASEAN. Cinq des économies dominantes de l'ASEAN sont techniquement en
récession. En 1998, la contraction économique est supérieure à 15% en
Indonésie, 8% en Thaïlande et 6% en Malaisie. A Singapour et aux
Philippines, la croissance est nulle. Selon la Banque mondiale, celle du
Vietnam se situerait aux alentours de 6% contre 8,8% l'année précédente. Le
Japon, premier pourvoyeur d'aide bilatérale à la région, est aussi en
récession, mais il s'est engagé à faire un geste dans l'espoir de récupérer
la mise qui serait l'instauration d'une zone yen face au dollar. Tokyo
apporte une aide de 28 milliards de francs sous la forme de prêts
préférentiels venant en supplément d'une assistance massive de 170
milliards de francs annoncée en octobre.