L'ASEAN se réunit dans un contexte de graves turbulences
HANOI - Les dirigeants des neuf pays de l'Association des
Nations du sud-est asiatique (ASEAN) se réunissent à Hanoï mardi et
mercredi à un moment où la région reste engluée dans la crise économique et
la cohésion de l'organisation est ébranlée par des dissensions internes.
Les chefs d'Etat ou de gouvernement de Birmanie, Bruneï, Indonésie, Laos,
Philippines, Malaisie, Singapour, Thaïlande et Vietnam auront à coeur
d'offrir une vitrine consensuelle lors du Sommet que le Vietnam accueille
pour la première fois.
Mais "le contexte de ce Sommet est très délicat", explique un diplomate
occidental, "autour des tables de discussions se retrouveront des
dirigeants de pays qui ont énormément souffert sur le plan économique et
social, qui se sont disputés, ou qui ont eu des divergences sur le principe
de non-ingérence".
Un an et demi après le déclenchement de la crise économique et financière,
les économies des poids lourds de l'ASEAN --Indonésie, Malaisie,
Philippines, Singapour et Thaïlande-- sont techniquement en récession après
une décennie de vive croissance. Celles des quatre autres pays membres sont
aussi touchées par une crise dont personne ne peut prédire la durée et qui
a porté un coup sévère à la confiance des investisseurs internationaux dans
l'Asie du sud-est.
L'absence d'une politique coordonnée de lutte contre la crise a aussi porté
atteinte à la crédibilité de l'ASEAN. "Chaque pays membre a apporté sa
propre réponse à la crise", explique un responsable malaisien.
La crise menace aussi de ralentir le processus d'intégration économique et
la libéralisation actuelle en matière de tarifs douaniers,
d'investissements et services, objectif commun de l'ASEAN.
Les neuf de l'ASEAN se réunissent aussi dans un contexte de tensions
politiques croissantes, dont la plus médiatisée a découlé du limogeage
brutal par le Premier ministre malaisien Mahathir de son ex-dauphin Anouar
Ibrahim.
Le président philippin Joseph Estrada ou son homologue indonésien Jusuf
Habibie ont apporté leur soutien à l'ancien vice-Premier ministre et
l'"affaire Anouar" a jeté une lumière crue sur les divergences au sein de
l'ASEAN en matière d'ingérence. Ces divergences étaient déjà clairement
apparues en juillet à propos de l'attitude à adopter vis-à-vis de la junte
birmane.
La Thaïlande notamment a prôné un "interventionnisme flexible" qui se
heurte au principe fondateur de l'ASEAN de non-ingérence dans les affaires
intérieures d'un pays membre.
Avant même l'ouverture du Sommet, la question hautement politique de
l'admission du Cambodge dans une ASEAN-10 a apporté de nouvelles fissures
dans la façade d'unité de l'Association.
Un consensus restant introuvable lors de la réunion préparatoire des
ministres des Affaires étrangères, le dossier a été transmis aux chefs
d'Etat ou de gouvernement et l'admission du Cambodge à Hanoï apparaissait
improbable, selon des diplomates.
L'Indonésie et le Vietnam ont vivement soutenu l'intégration du Cambodge
--reportée en 1997 après le coup de force de Hun Sen-- mais la Thaïlande,
les Philippines et Singapour estiment que la formation à Phnom Penh d'un
gouvernement de coalition ne représente pas un gage suffisant de stabilité
politique.
Avec tous ces écueils, les pays ASEAN doivent donc montrer que leur
solidarité n'est pas un mythe. Le Vietnam, qui joue son prestige dans la
réussite de "son" Sommet, "a fait un lobbying très actif pour que tous les
textes signés favorisent la cohésion", explique un diplomate.
Ainsi de nombreux diplomates estiment que les participants se réuniront sur
les thèmes évidemment mobilisateurs d'une sortie de la crise économique et
du renforcement de la coopération régionale.