Hanoï accueille pour la première fois un Sommet de l'ASEAN
HANOI - Le Vietnam, l'un des derniers pays communistes de la
planète, s'apprête à accueillir pour la première fois le Sommet de
l'Association des Nations du sud-est asiatique (ASEAN), une organisation
fondée il y a plus de trente ans pour endiguer le péril rouge en Asie.
Le sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement des 15 et 16 décembre
couronne pour Hanoï une décennie de diplomatie totalement axée sur sa
réintégration dans la scène régionale et internationale après dix ans
d'occupation du Cambodge, une occupation très mal vécue par les membres
fondateurs de l'ASEAN.
L'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande avait
créé l'ASEAN en août 1967, en pleine guerre du Vietnam, pour contenir la
menace communiste en Asie du sud-est. "Avec en 1975 la chute de Phnom Penh,
puis de Saïgon et de Vientiane, l'ASEAN s'était retranchée sur une position
d'endiguement dans la plus belle tradition de la guerre froide", explique
un diplomate occidental.
Vingt ans plus tard, l'admission du Vietnam dans le club régional, réalisée
avec la bénédiction des puissances occidentales, a clos des décennies de
divisions idéologiques en Asie du sud-est.
Elle a été suivie en 1997 de celle du Laos --autre régime
marxiste-léniniste-- et de la Birmanie, pays dont les systèmes politiques,
économiques et le niveau de développement ont peu en commun avec ceux des
membres fondateurs de l'ASEAN.
Cet élargissement s'est fait au risque d'une perte d'homogénéité pour
l'ASEAN. Le revenu annuel par tête au Vietnam est ainsi cent fois inférieur
à celui de Singapour.
Mais avec la fin de la guerre froide et la mondialisation, l'ASEAN a trouvé
un nouveau ciment dans le besoin de stabilité régionale pour le
développement économique et commercial. Elle représente désormais un marché
d'un demi-milliard d'habitants.
Pour Hanoï qui s'ouvrait enfin au monde, l'appartenance à une alliance
régionale offrait aussi une sécurité vis-à-vis du grand voisin chinois, une
puissance qui ne cesse de s'affirmer et est toujours redoutée en raison de
ses ambitions, notamment en mer de Chine du sud.
L'entrée dans l'ASEAN a posé d'innombrables problèmes logistiques à Hanoï:
participation à des centaines de réunions par an, pénurie de diplomates et
de personnels qualifiés parlant l'anglais --langue de travail de l'ASEAN--
et obligations en matière de libéralisation économique ou commerciale.
Néanmoins, depuis trois ans Hanoï a tenu dignement son rôle au sein de
l'organisation. "Le Vietnam a pris l'ASEAN très au sérieux, il a travaillé
comme un bon élève et a aussi cultivé ses relations bilatérales avec les
pays membres", estime un diplomate.
L'enjeu du Sommet de la semaine prochaine, pour lequel 700 journalistes
étaient attendus, n'a pas échappé à Hanoï, dont le chef du gouvernement
Phan Van Khai sera l'hôte des dirigeants de Birmanie, Bruneï, Indonésie,
Singapour, Laos, Malaisie, Philippines, Thaïlande.
Le Cambodge, pays observateur dont l'éventuelle admission comme membre de
plein droit lors de ce Sommet sera, avec la crise économique, un thème
majeur de discussion, sera représenté par le Premier ministre Hun Sen.
C'est en fait un Sommet asiatique qu'accueillera Hanoï, avec la présence de
trois des partenaires de dialogue de l'ASEAN: le Japon, la Chine et la
Corée du sud.
Le Vietnam, dont l'expérience en matière d'accueil de conférences
internationales se résume au Sommet de la francophonie de novembre 1997, a
averti qu'il n'avait pas l'habitude des grand-messes de ce genre. "Nos
ressources limitées pourraient poser des problèmes", a humblement prévenu
le vice-ministre des Affaires étrangères Vu Khoan.