Les inégalités se creusent au sein de l'Asean
Réunis pendant trois jours à Hanoï,
les pays de l'Association des nations
du sud-est asiatiques ont cherché des
solutions pour réduire les écarts qui
séparent les pays les plus pauvres
des autres. Mais les plus riches,
touchés par le ralentissement
économique, ont la tentation de jouer
la carte du «chacun pour soi».
Le Fonds monétaire international (FMI) a
reproché hier à la Thaïlande d'être «très
vulnérable» au ralentissement mondial,
estimant que la compétitivité, la
gouvernance, la protection sociale et
l'environnement nécessitaient davantage
de réformes en profondeur. Il juge en
outre que la population pauvre (16% des Thaïlandais) est de plus en plus
exposée.
Le premier ministre Thaksin Shinawatra a pourtant construit sa popularité sur
des mesures qualifiées de «populistes», voire de «démagogiques» par les
Occidentaux. Il vient ainsi de commencer à distribuer 22 000 dollars à chacun
des 77 000 villages que compte le pays pour aider les paysans. Et il ne se prive
pas de critiquer la libéralisation sauvage qui peut, dit-il, transformer les pays
d'Asie en «parias financiers du jour au lendemain». Cependant, il se défend de
mener une politique protectionniste vis-à-vis des investisseurs étrangers.
Pendant trois jours, les pays de l'Asean (Association des nations du Sud-Est
asiatique) (1), réunis à Hanoï jusqu'à hier soir, ont débattu de ce paradoxe.
Jusqu'à quel point la concurrence et le libre marché menacent-ils l'unité de la
région? Avant-hier, ils ont adopté une «initiative» visant à réduire les inégalités
entre les pays les plus pauvres, le Cambodge, le Laos, le Vietnam et les autres.
Mais ces derniers sont aujourd'hui touchés par la dégradation de l'économie aux
États-Unis, en Europe et au Japon. Singapour a plongé dans la récession. Son
PIB (produit intérieur brut) pourrait être négatif cette année. Le gouvernement
va débloquer 1,2 milliard de dollars américains pour relancer la ville Etat.
Le Japon, qui siège aux réunions de l'Asean en qualité d'«observateur
privilégié», est en pleine crise. Traditionnellement, le plus grand bailleur de
fonds de la région, il ne veut plus aujourd'hui prêter d'argent que
parcimonieusement. La Corée du Sud, qui bénéficie du même statut auprès de
l'association, est empêtrée dans la réforme de ses grands conglomérats, les
«chaebols». Quant à la Chine, troisième «observateur», elle apparaît davantage
comme une menace que comme un élément fédérateur. Forte d'une croissance
de 8%, très supérieure à la moyenne de la région, elle draine d'autant plus
facilement la majeure partie des investissements étrangers que son adhésion
prochaine à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) l'oblige à se montrer
très compétitive.
Résultat, l'Asean est plus fragilisée que jamais. Chaque pays membre est tenté
de jouer sa carte personnelle. Les accords bilatéraux se multiplient et retardent
la construction d'un vrai marché commun, estime la Malaisie. Qu'une transition
politique sans heurt soit possible en Indonésie, rassure l'association, mais plus
la région tardera à retrouver la croissance, plus les clivages risquent de se
creuser. «Faute de volontés politiques clairement affirmées et de leadership
solides, une Asie à deux vitesses reste un danger», résume Kim Hak-su,
secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale des Nations unies.
Par Arnaud Rodier - Le Figaro - le 26 Juillet 2001.
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