"Apocalypse Now" de retour sur la Croisette 20 ans après
CANNES - "Apocalypse Now" a fait son retour sur la Croisette,
vingt ans après sa sortie, avec la présentation vendredi d'une version restaurée de
Francis Ford Coppola, forte de 53 minutes inédites supplémentaires, qui a été
accueillie par des applaudissements nourris.
En 1979, Coppola avait partagé la Palme d'or avec l'Allemand Volker
Schlondorff et "Le tambour".
"Apocalypse Now Redux" (terme emprunté au latin qui signifie "restaurer", selon
la production) sort simultanément ce vendredi 11 mai sur les écrans en France.
"Le festival de Cannes a sauvé notre film", a déclaré Coppola lors d'une conférence de presse, où il était
entouré notamment du décorateur, Dean Tavoularis, et de la comédienne française Aurore Clément, qui fut
l'épouse de ce dernier, rencontré sur le tournage du long métrage.
La prestation dans une scène d'une vingtaine de minutes de l'actrice révélée par Louis Malle dans "Lacombe
Lucien" avait sauté au montage final à l'époque pour des raisons de rythme, selon Coppola.
Si aujourd'hui ce premier film américain à traiter de la guerre du Vietnam est considéré comme un
chef-d'oeuvre du 7e art, il fut en son temps considéré comme un véritable accident industriel, ayant
littéralement explosé son budget, passé de 17 à 30 millions de dollars.
Une année de tournage aux Philippines dans des conditions effroyables. Renvoi de l'acteur principal (Harvey
Keitel) après un mois de tournage pour incompatibilité d'humeur. Crise cardiaque pour Martin Sheen, qui le
remplace dans le rôle de Willard, le capitaine chargé d'éliminer le colonel renégat Kurtz (Marlon Brando).
Et lorsque Coppola et son équipe en ont fini avec leurs mésaventures sur le terrain, le réalisateur se retrouve
face à une montagne de pellicule.
Il lui faudra deux ans de montage pour en venir à bout, non sans avoir au passage hypothéqué ses biens. Mais
la démesure a engendré quelques grands moments de cinéma, magnifiés par cette restauration numérique, dont
l'invraisemblable partie de surf sur une plage prise dans le ballet des bombes et des hélicoptères avec le
capitaine Kilgore (Robert Duvall) qui "adore l'odeur du napalm au petit matin".
Coppola a rappelé que, pressé par les studios qui exigeaient qu'il puisse présenter le film à Cannes (inspiré du
roman de Joseph Conrad "Au coeur des ténèbres"), il en avait gommé "les aspects philosophiques et
personnels pour faire un film de guerre plus traditionnel, répondant davantage aux critères d'un film d'action".
Une vingtaine d'années après, la technologie du DVD lui a permis d'arriver à bout de ce "Work In Progress",
qui affiche désormais 3 heures 17 au compteur.
"S'il était déjà difficile de faire ce genre de films il y a 20 ans, c'est encore plus dur aujourd'hui", déclare
Coppola qui travaille actuellement sur un autre projet personnel, "Megalopolis", un film de science-fiction.
Jeudi, lors d'une rencontre avec les professionnels dans le cadre du MITIC (Marché international des
techniques et de l'innovation du cinéma), le réalisateur n'a pas fait mystère des sentiments que lui inspire le
cinéma d'aujourd'hui : "les studios ne sont rien d'autre que des corporations obsédées par le chiffre d'affaires,
ceux qui les dirigent ont une seule idée en tête, que les films marchent pour qu'ils puissent décrocher de bons
bonus en fin d'année, jamais l'argent n'a été aussi important".
"C'est la raison pour laquelle vous voyez tous ces films bâtis sur le même modèle, ils n'ont d'autre ambition que
d'engranger des spectateurs. Dans ces conditions, je préfère garder mon indépendance et tourner uniquement
parce que j'en ai envie".
Agence France Presse, le 11 Mai 2001.
|