La situation intérieure pousse le Vietnam à une campagne anti-américaine
Poussée par des éléments conservateurs du régime, la presse vietnamienne a lancé des attaques virulentes contre les Etats-Unis en réponse à leurs critiques sur le respect des droits de l'homme, mais cette crise devrait être passagère, estiment diplomates et observateurs.
Plusieurs éditoriaux à la une de la presse officielle d'Hanoi ont violemment condamné les Etats-Unis pour leur ingérence dans les affaires intérieures du Vietnam.
Le Quan Doi Nhan Dan, organe de l'armée, a notamment dénoncé avec force un texte présenté le 3 avril dernier à la Chambre des Représentants des Etats-Unis, menaçant de supprimer toute aide non humanitaire au gouvernement vietnamien s'il ne libère pas les prisonniers politiques et s'il ne respecte pas les droits des minorités ethniques.
Le journal a également réfuté les allégations du rapport annuel sur les droits de l'homme du département d'Etat américain, publié le 31 mai dernier, sur la "poursuites d'infractions sérieuses" au Vietnam en 2002.
Selon des analystes, ces attaques contre les Etats- Unis permettent essentiellement de donner des gages aux éléments les plus durs du gouvernement vietnamien et aux anciens militaires, qui voient d'un mauvais oeil l'augmentation récente et importante des échanges commerciaux avec l'ancien ennemi américain.
"Ce qui se trame au sein des généraux à la retraite demeure un mystère mais nous savons qu'il faut les calmer", souligne un diplomate en poste à Hanoi.
D'autres sources expliquent que le renversement du régime de Saddam Hussein, jadis allié politique et commercial des Etats-Unis, a renforcé les traditionnelles suspicions d'Hanoi sur "l'impérialisme" de la diplomatie américaine.
"D'un côté, il s'agit comme d'habitude d'une réponse au tac au tac mais je crois que cette fois l'Irak est à l'origine de ce déchaînement", a déclaré Carl Thayer, membre de l'Académie de défense d'Australie et fin connaisseur de la politique vietnamienne.
Des tensions lors de négociations dans le domaine du textile entre le Vietnam et les Etats-Unis, ainsi qu'un différend à propos d'exportations de poisson seraient également à l'origine, selon certains analystes, de cette crispation.
La dernière diatribe du Quan Doi Nhan Dan contre les Etats-Unis mercredi s'élève contre les critiques de Washington à propos de la liberté de parole et la liberté de la presse au Vietnam, particulièrement dans le domaine de l'accès à internet.
Dans son rapport sur les droits de l'homme, le département d'Etat américain critique en effet les dispositifs permettant de bloquer des sites internet considérés comme "déplacés sur le plan politique et culturel".
Pour le journal de l'armée du Vietnam, il s'agit d'une "invention flagrante". "Ils disent cela afin de protéger les éléments réactionnaires qui utilisent internet pour diffuser leurs informations empoisonnées que les agences spécialisées ont découvert et traité", souligne l'organe de l'armée.
Le gouvernement du Vietnam est propriétaire et contrôle le seul accès à internet du pays, Vietnam Data Communications (VDC).
En dépit de la violence des mots dans la presse vietnamienne, peu d'observateurs pensent que le Vietnam a la volonté de faire dérailler ses relations avec les Etats-Unis, avec lesquels il a établi des relations diplomatiques en 1995.
"Le gouvernement est pragmatique. Il y a de nombreuses indications qui montrent qu'Hanoï veut rétablir de bonnes relations bilatérales", remarque un diplomate.
Par Ben Rowse - Agence France Presse - 24 Avril 2003.
|