~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
Le portail de l'actualité vietnamienne

Année :      [2003]      [2003]      [2002]      [2001]      [2000]      [1999]      [1998]      [1997]

La malédiction du poulet contrarie le début du nouvel An

Le Vietnam s'apprête à célébrer dans la morosité le nouvel An lunaire traditionnel, habituellement prétexte à l'opulence, mais troublé cette année par le virus de la grippe du poulet, mauvais présage pour une année du Singe déjà modérément appréciée.

Le virus de la grippe aviaire a obligé le pays à interdire la vente de poulets à Ho Chi Minh-Ville, la plus grande ville du pays, et à en abattre quelque 2 millions. Les autorités vietnamiennes lui attribuent la mort de 13 personnes. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus prudente, en est encore à quatre. Mais les chiffres ne diffèrent plus lorsque l'on parle affaires. Et pour les vendeurs de poulets, l'épidémie est une catastrophe. Les ventes se sont effondrées, les stocks ont disparu, et leur principale sinon unique source de revenu suscite désormais la suspicion. Dans un pays aussi superstitieux que le Vietnam, l'année du Singe ne pouvait pas plus mal commencer.

"L'année du Singe est considérée comme une année difficile et inquiète les vieux et les superstitieux car le singe grimace tout le temps", explique Hoang An, un homme d'affaires de 46 ans. "Je n'y crois pas. Mais il est assez ironique que nous célébrions cette semaine le nouvel an avec une épidémie mortelle de grippe du poulet". Le Têt est un instant sacré pour la famille vietnamienne. A partir de jeudi, on va célébrer les ancêtres, enterrer les vieilles querelles puis inviter les amis pour fêter l'amitié et valider son statut social.

Le poulet, habituellement, est servi en abondance, y compris les têtes et les ergots considérés au Vietnam comme une partie noble. Les experts indiquent qu'a priori, la maladie n'est pas transmissible à l'homme via la consommation de viande cuite. Mais la méfiance l'emporte malgré tout. "Je vais quand même préparer du poulet pour le principal repas du Têt parce que c'est la tradition. Je pense qu'il n'est pas dangereux d'acheter des poulets vivants et en bonne santé", se rassure Luc Thi Tam, une mère de famille de 48 ans. "Mais par rapport aux années précédentes, je servirai moins de poulet et je cuisinerai aussi du porc et du poisson. Seuls les riches peuvent se permettre de remplacer complètement le poulet par les fruits de mer et les autres viandes", ajoute-t-elle.

Les jours à venir vont être décisifs. Il n'y a jusqu'à présent aucun signe de transmission du virus de la grippe aviaire d'humain à humain. Mais l'OMS a averti que si cette transmission était avérée, la maladie pourrait faire plus de mal que le Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui s'était abattu sur l'Asie l'an dernier dès les premières semaines de l'année de la Chèvre. Si l'hypothèse se vérifiait, la figure du Singe pourrait bien être à la hauteur de sa sombre réputation.

Au Vietnam, les croyances attribuent aux natifs de l'année du Singe une certaine intelligence, mais les condamnent aussi au malheur et à l'échec. Pham Thu Thuy, vendeur de poulets d'un des plus gros marchés de gros de Hanoï, s'attend au pire. "C'est une catastrophe. J'ai tout perdu. J'ai peur que mes enfants n'aient rien d'autre à manger que du poulet pendant le Têt, parce que je ne peux pas les vendre".

Par Ben Rowse - Agence France Presse - 18 Janvier 2004.