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Les anciens combattants du nord-Vietnam, grands perdants de la guerre

HANOI - L'ancien officier Nguyen Hung, qui a combattu pendant 20 ans dans les rangs de l'armée nord-vietnamienne, n'a plus aujourd'hui qu'un seul souci: subvenir aux besoins de sa famille. Le capitaine Hung a quitté l'armée il y a 25 ans, après la chute de Saïgon en 1975, et il a eu du mal à reprendre une vie normale: il touchait à l'âge de 39 ans une maigre pension de démobilisation mais n'avait ni diplôme universitaire ni formation professionnelle.

"C'étaient mes pires années et j'ai dû vaincre de nombreuses difficultés après la guerre", dit Hung qui avait pris part en 1972 aux combats les plus violents et les plus meurtriers dans la province de Quang Tri où plusieurs membres de son unité ont été tués par un raid aérien américain. "J'ai perdu mes années de jeunesse mais j'ai encore eu de la chance. Je me souviens toujours des cris de mes deux compagnons de lutte tués sous mes yeux lorsqu'une mine a explosé sous leurs pieds", raconte-t-il avec une vive émotion.

Hung avait dû se résoudre après la guerre à travailler comme porteur dans un marché de Hanoi pour nourrir sa famille, puis comme réparateur de vélos pendant près d'une décennie durant laquelle l'économie vietnamienne connaissait une crise sans précédent. Il est devenu gardien dans une usine textile au début des années 90.

"J'ai dû souvent changer de métier et finir chaque fois par un échec. Mon travail actuel n'est pas stable et je n'en parle pas à mes amis", ajoute Hung en expliquant qu'il est toutefois encore plus chanceux que les soldats démobilisés et revenus vivre dans les campagnes. La majorité des 3 millions d'anciens combattants que compte actuellement le Vietnam, sans tenir compte de leurs anciens adversaires sud-vietnamiens, ont dû faire face à d'importantes difficultés économiques, notamment ceux qui combattaient dans le cadre de leur service militaire obligatoire et n'ont eu droit à aucune pension. Seuls les officiers "professionnels" ayant servi au moins 25 ans dans l'armée touchent une retraite. Mais celle-ci est loin de répondre à leurs besoins dans un pays où le revenu moyen par tête est de moins de 300 dollars par an.

"Ils (les anciens combattants) manquent de beaucoup de choses: les capitaux, les terrains, les habitations et les emplois", explique M. Huynh Van Trinh, responsable de l'Association des anciens combattants du Vietnam qui compte 1,5 million de membres. Malgré leur âge et leur état de santé précaire, beaucoup d'entre eux occupent des "métiers d'appoint", gardiens de vélos, vendeurs de bière ou de café et éleveurs de volailles.

"Notre génération s'est sacrifiée et nous nous efforçons de surmonter l'adversité en pensant à l'avenir de nos enfants", explique le commandant Nguyen Van Chan dont la pension mensuelle n'atteint que 40 dollars par mois. Pour le gouvernement, la première priorité est de venir en aide aux 600.000 invalides de guerre qui ont perdu en totalité ou en partie leur capacité de travail. "Je dois me débattre contre les défis économiques qui ne font pas couler le sang mais sont aussi durs que ceux de la guerre", ajoute M. Chan qui a perdu un frère, également militaire, peu avant l'arrivée des troupes communistes à Saïgon, le 30 avril 1975.

Plus d'un million de soldats nord-vietnamiens sont morts durant le conflit, l'un des plus meurtriers du 20e siècle, et 300.000 autres sont toujours portés disparus dans les combats avec les troupes sud-vietnamiennes fortement équipées et appuyées par les Américains.

AFP, le 21 Avril 2000.