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Le Vietnam réunifié conserve ses différences 25 ans après la guerre

HANOI - Vingt-cinq ans après la réunification du Vietnam et la fin de la guerre, le nord et le sud du pays conservent leurs différences économiques et politiques, même si elles commencent à s'estomper lentement.

Le nord, berceau de la lutte pour l'indépendance, sous la férule du Parti communiste depuis 45 ans, continue à centraliser les pouvoirs politique et économique, tandis que les habitants du sud n'ont pas oublié les années américaines (1954-75) et évoquent toujours en privé la répression qui a suivi la victoire communiste d'avril 1975. La méfiance réciproque n'a pas entièrement disparu et les services de sécurité de Ho Chi Minh-Ville, l'ancienne Saïgon, seraient aujourd'hui encore étroitement contrôlés par des fonctionnaires venus de Hanoï.

Hanoï, dès la réunification du pays, avait entrepris de "punir" Saïgon, la capitale de l'ennemi, en envoyant les cadres du "régime fantoche" sud-vietnamien en camps de rééducation. Ce n'est que depuis le milieu des années 1980 que les proches de ces cadres ont cessé de subir une discrimination dans les écoles et les universités. Même si depuis quelques années des Premiers ministres vietnamiens sont originaires du sud ou du centre, le réflexe "géographique" perdure toujours dans les administrations locales et au sein des milieux d'affaires.

Les fonctionnaires de l'ex-Saïgon cherchent à contrebalancer le poids de leurs collègues du nord imposés par Hanoï depuis la réunification en nommant aux postes clés des gens du Sud. Depuis l'ouverture du pays à l'économie de marché en 1987, après l'adoption de la politique du Doi Moi (renouveau), le sud à largement profité de l'essor économique et les gratte-ciel ont changé la physionomie d'Ho Chi Minh-Ville. Cet essor n'a fait que renforcer le sentiment des habitants du nord qui se considèrent comme plus intellectuels et qualifient généralement les sudistes d'"affairistes".

"Il nous faudra encore des années pour aplanir les différences entre les régions du Vietnam", estime ainsi Nguyen Van Tam, un professeur d'histoire d'une école supérieure de Hanoï. "Il faut maintenir un contrôle étroit de la vie politique dans le sud pour maintenir la stabilité du pays car les sudistes expriment souvent leur mécontentement sous l'apparence d'approbation", ajoute M. Tam.

Les Saigonais de leur côté ne manquent pas de se plaindre du manque de modernisme des habitants du nord, auxquels ils font souvent référence en employant le terme de "paysans". Saïgon a également profité du savoir-faire de la communauté sino-vietnamienne (les "Hoa Kieu") de Cholon pour se lancer dans les affaires. Les autorités de Hanoï ont dû se résoudre à envisager l'ouverture à Ho Chi Minh-Ville de la première bourse du Vietnam, même si ce projet n'a pas encore vu le jour, victime de la crise financière régionale.

Le sud bénéficie en outre depuis ces dernières années des fonds apportés par les Vietnamiens de la diaspora, les "Viet Kieu", dont la majorité sont originaires du sud, et qui sont maintenant encouragés par les autorités de Hanoï à revenir au Vietnam pour y investir et y apporter leur savoir-faire. Les atouts naturels du sud sont nombreux: le delta du Mékong, grenier à riz du Vietnam, est la région la plus fertile du pays et les gisements de pétrole et de gaz, première source de devises étrangères, se trouvent au large des côtes méridionales.

Le sud a enfin bénéficié d'infrastructures, abandonnées par les Américains alors que le nord a vu nombre des siennes, comme le grand port de Haïphong, détruites par les bombardements. La bourgeoisie occidentalisée et la main d'oeuvre qualifiée du sud, héritage de la colonisation française, puis de l'époque américaine, font que Saïgon semble aujourd'hui plus prête que Hanoï, l'un des derniers bastions de l'idéologie communiste, à s'adapter rapidement aux nouvelles donnes de la mondialisation.

AFP, le 20 Avril 2000.