25 ans après, les Vietnamiens souffrent toujours des
conséquences de la guerre
HANOI - Des centaines de milliers de Vietnamiens souffrent toujours des conséquences de l'Agent orange et
des engins de guerre qui font des milliers de morts et de blessés dans le pays depuis la fin de la guerre du Vietnam il y a 25 ans.
La guerre est finie mais elle tue encore, par mutations génétiques, les enfants de combattants ou de civils contaminés par 72
millions de litres de produits chimiques, dont la moitié d'Agent orange, déversés par l'US Air Force sur le sud-Vietnam de
1962 à 1971 pour détruire les forêts des zones abritant les sanctuaires communistes.
"L'Agent orange a fait une victime pour 1.000 habitants et beaucoup sont déjà mortes", a indiqué à l'AFP le professeur Hoang
Dinh Câu, connu au Vietnam pour ses longues recherches sur les conséquences des défoliants chimiques sur l'homme et la
nature.
Les provinces les plus touchées par les produits chimiques américains sont celles situées le long de la célèbre Piste Ho Chi
Minh dans les chaînes montagneuses de Truong Son, frontalières du Laos, où l'Agent orange a provoqué des multitudes de
cancers, d'avortements et de malformations congénitales.
"Les conséquences des produits chimiques américains restent extrêmement lourdes et elles persisteront encore jusqu'au milieu
du 21-ème siècle" au Vietnam, pays peuplé de 77 millions d'habitants, a estimé le professeur Câu.
Dans la seule province de Quang Tri (centre) où se trouvait la zone démilitarisée qui séparait le Nord-Vietnam et le
Sud-Vietnam pendant le conflit, plus de 15.000 victimes de l'Agent orange ont été recensées dans le cadre d'un recensement
national des victimes de l'Agent orange lancé en 1998, dont les résultats n'ont pas encore été officiellement publiés par Hanoi.
Quelque 2.000 personnes sont mortes des suites de l'action du défoliant chimique utilisé par l'armée américaine dans cette
province qui a été le théâtre des plus violents combats de la guerre du Vietnam.
Dans le reste du pays, des centaines de milliers de personnes ont été affectées par une exposition directe ou indirecte à l'Agent
orange ou par une contamination à travers la chaîne alimentaire, et 76.000 enfants sont nés avec des malformations.
Selon les résultats d'une étude publiée le mois dernier à Washington par l'armée de l'air américaine, l'exposition à l'Agent
orange a également fortement accru les cas de diabète chez les pilotes et le personnel au sol ayant servi pendant la guerre du
Vietnam.
Le gouvernement vietnamien a décidé pour la première fois en février dernier et à titre "humanitaire" d'indemniser à partir de
cette année les victimes des produits chimiques.
Les Vietnamiens sont victimes par ailleurs des engins de guerre de divers types non explosés qui font chaque année des milliers
de morts et de blessés depuis la fin de la guerre durant laquelle environ 45 millions de tonnes de bombes ont été déversées sur
le pays.
"Les bombes et obus ont fait au moins 22.000 morts et autant de blessés depuis la fin du conflit", a indiqué un responsable du
ministère du Travail et des Affaires sociales sous couvert de l'anonymat, en soulignant qu'"une grande partie des victimes sont
des enfants".
Dans les anciennes zonnes de combat, notamment dans la province centrale de Quang Tri, baptisée "moulin à chair" pendant la
guerre, l'US Air Force a largué des centaines de milliers de tonnes de bombes dont une partie n'ont toujours pas explosé.
"Les engins de guerre sont souvent enfouis sous plusieurs mètres de terre", a ajouté le responsable pour qui les conséquences
de la guerre "continuent de peser sur la vie nos enfants".
AFP, le 18 Avril 2000.
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