Ho Chi Minh, mort il y a 34 ans, ancêtre omniprésent du régime vietnamien
Des dizaines de milliers de Vietnamiens se sont
rendus mardi, pour la fête nationale, au
mausolée Ho Chi Minh où est embaumé le père
du Vietnam moderne, énième hommage à celui
qui demeure plus de 34 ans après sa mort
l'unique figure charismatique du régime qu'il a
fondé.
Ouvriers, vétérans, familles entières ont fait la
queue devant le bâtiment en marbre triste dans
lequel repose "l'Oncle Ho", objet d'un culte
quasi-religieux.
"Je ressens le besoin de venir le voir chaque
année", a expliqué Nguyen Thi Ly, 64 ans, dans
un ao dai violet, la robe traditionnelle
vietnamienne. "C'est notre façon d'exprimer
notre amour et notre gratitude".
Ho est mort en 1969, six ans avant la
réunification du pays, dix-sept ans avant le
début de la transition vers l'économie de
marché, principal défi des dirigeants actuels du
Parti communiste vietnamien (PCV).
Mais c'est lui qui a proclamé unilatéralement
l'indépendance du pays, le 2 septembre 1945,
malgré la présence française.
"Ho est le père de l'indépendance. Personne ne
va dans les rues pour fêter la chute de Saïgon,
le 30 avril, mais tout le monde sort le 2
septembre", remarque un diplomate étranger.
Dans ce pays dont chaque foyer dispose d'un
autel réservé aux aïeux, sa place n'a jamais été
prise. "Le traitement réservé à Ho doit être
replacé dans le contexte culturel vietnamien des
hommages rendus aux ancêtres", explique Carl
Thayer, un expert du Vietnam à l'Australian
Defense Force Academy.
Outre Saïgon (sud), capitale économique du
pays rebaptisée Ho Chi Minh-Ville en 1976, des
milliers de bustes de l'homme à la barbiche
trônent dans chaque bâtiment officiel.
Tous les billets de banque sont à son effigie. Sa
silhouette décore le paysage urbain dans le plus
pur réalisme socialiste, et ses préceptes
s'affichent en toutes circonstances à la Une des
journaux.
Un énième documentaire, "Nguyen Ai Quoc à
Hong Kong", est sorti lundi sur les écrans
vietnamiens pour évoquer son parcours dans les
années 30, lorsqu'il fut emprisonné par les
Anglais sous la pression de Paris.
Né Nguyen Sinh Cung en 1890, puis devenu
Nguyen Tat Thanh à 21 ans, le révolutionnaire
aurait utilisé pas moins d'une vingtaine de
pseudonymes, jusqu'au célébre "Ho à la volonté
éclairée".
Chaque session de l'Assemblée s'ouvre par une
visite des parlementaires au mausolée,
également point de passage obligé des visiteurs
de marque : le cubain Fidel Castro,
l'Indonésienne Megawati Sukarnoputri, le Russe
Vladimir Poutine.
Mis à part peut-être le général Vo Nguyen Giap,
vainqueur de Dien Bien Phu en 1954 face aux
Français, aucun responsable n'a bénéficié d'une
telle aura. "Aussi longtemps que Ho a vécu, les
responsables communistes du Vietnam ont
opéré derrière le manteau de la direction
collégiale", remarque Carl Thayer.
Et la tendance demeure. "Le PCV avance comme
une mêlée compacte dont les têtes sont
invisibles. Une seule figure est au dessus de la
mêlée: Ho est un personnage mythique utile",
résume-t-il.
Le Vietnam change, mais les pensées du maître
sont inlassablement remises au goût du jour au
gré des besoins politiques.
A la fin des années 80, après la disparition des
régimes socialistes de l'Est, "le parti a commencé
à mettre en valeur les pensées de Ho comme
source d'idéologie", ajoute M. Thayer.
Tant que le régime communiste vivra, son
fondateur en sera le pilier. "Ho sera utile (...)
pour remodeler l'identité vietnamienne face aux
pressions réformistes extérieures. En d'autres
termes, son héritage changera avec le temps",
assure Thayer.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 2 Septembre 2003.
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