Suspension de l'adoption au Viêt-nam
La France veut des garanties sur la moralité des
procédures.
PARIS - Ce dimanche sera le dernier jour pour les couples
français candidats à l'adoption d'enfants
vietnamiens. La «suspension» des procédures
d'adoption entre la France et le Viêt-nam avait été
officiellement annoncée le 29 avril par les
ministères de la Justice, des Affaires étrangères,
de l'Emploi et de la Solidarité.
«Cette suspension devra permettre de négocier un
texte bilatéral qui offre toutes les garanties de la
convention de La Haye», souligne un porte-parole du
Quai d'Orsay. Cette convention, ratifiée par la
France mais pas par le Viêtnam, a notamment pour
objectif d'«instaurer un système de coopération
entre les Etats contractants pour prévenir
l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants». Elle
a été élaborée en 1993, alors que l'ensemble de la
communauté internationale s'engageait dans un effort
de moralisation de l'adoption internationale. Chaque
pays signataire s'engage à vérifier que les parents
qui abandonnent leurs enfants le font en toute
conscience, sans qu'aucune pression financière ou
autre n'ait été exercée sur eux.
«Dérives». Concernant le Viêt-nam, premier pays
d'origine d'enfants étrangers adoptés dans
l'Hexagone, le gouvernement français estime que les
garanties, qui doivent être accordées aux familles
comme aux enfants, ne sont plus assurées. Le Quai
d'Orsay fait état de «dérives graves dans le
recueillement des consentements» et pointe du doigt
l'épineux problème des intermédiaires, trop nombreux
et pas assez contrôlés.
Le député Jean-François Mattei (DL,
Bouches-du-Rhône), qui fut à l'initiative de la loi
du 5 juillet 1996 relative à l'adoption, se dit «en
accord» avec le souci de «moralisation» qui inspire
la décision du gouvernement. Mais il met en garde
contre une «suspicion excessive», soulignant que la
procédure d'adoption à l'étranger, longue et
contraignante, nécessite, dans tous les cas, le
passage par une institution officielle française, la
Mission de l'adoption internationale (la MAI), pour
l'obtention du visa d'entrée. Jean-François Mattei
suggère que la future convention bilatérale accorde
au Viêt-nam un délai de deux ans pour ratifier la
convention de La Haye.
Panique. En attendant, la suspension des procédures
d'adoption d'enfants vietnamiens a fait souffler un
vent de panique dans les familles qui avaient entamé
les premières démarches. «Des gens qui n'étaient pas
tout à fait prêts sont partis pour être sur le sol
vietnamien avant le 9 mai !», s'emporte Danielle
Housset, présidente de la Fédération nationale des
familles adoptives. Selon elle, «le Viêt-nam n'a pas
les moyens de ratifier la convention pour
l'instant.» Elle reconnaît certes l'existence d'un
réel problème avec les intermédiaires ainsi que la
circulation de trop d'argent au Viêtnam, mais elle
affirme ne connaître aucun cas de rapt ou de vol
d'enfants. Une mère de quatre enfants, habitant dans
le Sud-Ouest et dont l'une des filles fut adoptée en
1994 au Viêt-nam, souligne les effets pervers de la
décision française : ne contribuera-t-elle pas à
conforter la rumeur selon laquelle les quelque 1 300
enfants adoptés chaque année au Viêt-nam seraient
pour la plupart des «enfants achetés» ?.
Par ADÉA GUILLOT - LIBERATION, le 8 Mai 1999.
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