L'opacité des procédures d'adoption d'enfants vietnamiens mise en cause
HANOI - Le Vietnam et la France ont décidé de mettre un terme
provisoire à l'adoption d'enfants vietnamiens par des Français en raison
des nombreux abus dus à l'opacité des procédures.
Les difficultés de contrôle du statut des enfants adoptés et la hausse
alarmante du trafic d'enfants, notamment dans les provinces du sud du pays,
ont conduit les autorités françaises à décider cette semaine, après
consultation des autorités vietnamiennes, de suspendre les procédures
d'adoption entre la France et le Vietnam jusqu'à la conclusion d'un accord
de coopération.
Les autorités vietnamiennes ne publient aucun chiffre officiel sur les
nombre d'enfants adoptés chaque année dans le pays par des étrangers. Mais
selon le ministère français des Affaires étrangères les adoptions d'enfants
vietnamiens par des Français représentent à elles seules le tiers des
adoptions réalisées à l'étranger.
Le nombre d'enfants adoptés par des Français au Vietnam a connu une forte
croissance au cours des dernières années: 446 visas avaient été accordés en
1993, 877 en 1994, 1.096 en 1995 et 1393 en 1996.
Selon des sources informées parlant sous le couvert de l'anonymat, les
Français auraient adopté près de 2.000 enfants au Vietnam en 1997 et ce
chiffre aurait encore augmenté en 1998.
Une partie de ces parents adoptifs, tentés d'éviter les méandres
bureaucratiques, seraient victimes de trafiquants d'enfants et des
responsables locaux faciliteraient l'achat d'enfants de familles pauvres
qui ne sont pas informées de ce que signifie une adoption.
Certaines de ces familles auraient ainsi reçu une somme d'argent pour se
séparer de leurs enfants en pensant qu'ils allaient simplement être emmenés
en vacances, selon les mêmes sources.
La mesure de suspension qui a été décidée par la France n'affectera pas les
procédures engagées par les adoptants arrivés sur le sol vietnamien avant
le 9 mai ni celles initiées par les candidats à l'adoption qui sont rentrés
en France dans l'attente de la remise officielle d'un enfant, selon les
autorités françaises.
La découverte de graves irrégularités ces dernières années dans les
procédures d'adoption qui demeurent très opaques avait déjà conduit la
France à resserrer le contrôle des dossiers afin de s'assurer que les
enfants proposés à l'adoption étaient abandonnés par leur famille dans des
conditions non suspectes.
Mais les trafiquants d'enfants ont continué à profiter de la crédulité des
étrangers mal informés et désireux d'éviter de longues attentes pour une
adoption.
Ces trafiquants réclament une somme pouvant atteindre plusieurs milliers de
dollars pour "accélérer le dossier" et remettent aux adoptants de faux
documents administratifs établis avec la complicité de responsables locaux
qui leur permettent d'emmener les enfants à l'étranger.
Onze personnes seront ainsi jugées à partir du 6 mai dans la province de An
Giang (sud), pour avoir mis en place un réseau de trafic d'enfants. Ils
encourrent jusqu'à 20 ans de prison.
Les accusés, dont le directeur de l'orphelinat de Long Xuyen, M. Pham Tanh
Hai, et deux responsables de la justice provinciale, sont accusés d'avoir
vendu 199 bébés à des étrangers en 1996 et 1997.
La majorité de ces bébés étaient âgés de moins d'un an et avaient été
achetés à des familles pauvres et dans des hôpitaux de la province avant
d'être vendus à des étrangers qui pensaient payer ainsi les procédures
d'adoption.
Les bébés, achetés pour des sommes allant de 200 à 400 dollars, avaient été
revendus pour un total de 112.000 dollars, selon les responsables
judiciaires de la province.
Trois des bébés sont morts après avoir avoir été abandonnés dans des
hôpitaux par leurs parents adoptifs qui avaient découvert qu'ils étaient en
très mauvais état de santé, selon l'acte d'accusation.
AFP, le 2 Mai 1999.
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