La chute de Saïgon: les principaux acteurs
HO CHI MINH-VILLE - Le 30 avril 1975, le gouvernement du Sud-Vietnam
soutenu par les Etats-Unis se rendait aux troupes communistes du Nord-vietnam, marquant la fin de la guerre du Vietnam. Nous diffusons une série de biographies courtes des principaux acteurs étrangers de la chute de saïgon:
HENRY KISSINGER (Etats Unis d'Amérique) :
Henry Kissinger, secrétaire d'Etat des présidents Richard Nixon et Gerald Ford, fut l'artisan du cessez-le-feu avec les
Nord-Vietnamiens, en janvier 1973, qui allait être suivi deux ans plus tard de la capitulation du Sud-Vietnam.
Avant de négocier le désengagement américain au Vietnam toutefois, Henry Kissinger s'était montré toutefois un partisan résolu
avec le président Nixon de l'escalade dans le conflit pour contrer les Nord-Vietnamiens.
Il décida ainsi avec le président américain des bombardements du Cambodge, du minage du port de Haiphong et des
bombardements massifs du nord-Vietnam, en décembre 1972.
Entretemps, Henry Kissinger négociait secrètement en France avec Le Duc Tho, un haut responsable du régime de Hanoï. Ces
pourparlers débouchèrent le 27 janvier 1973 sur la conclusion du cessez-le-feu.
Cet accord valut la même année à leurs deux signataires de partager le prix Nobel de la Paix.
Les Etats-Unis s'engageaient à retirer leurs troupes à l'exception de quelque conseillers et à réduire leur aide au régime de
Saïgon.
Très vite, les Sud-Vietnamiens allaient être débordés, un processus qui conduira le 30 avril 1975 à la chute de Saïgon.
GRAHAM MARTIN (Etats Unis d'Amérique) :
Graham Martin, ancien ambassadeur en Thaïlande et membre de la délégation américaine aux Accords de Paris qui entraînent
le désengagement militaire américain du Vietnam, est le dernier ambassadeur des Etats-Unis à Saïgon.
Promoteur des valeurs libérales anti-communistes, Graham Martin a personnellement souffert de la guerre du Vietnam où le fils
de sa femme a été tué.
Fin avril 1975, alors que les troupes communistes approchent de Saïgon, il résiste longtemps à la pression de Washington qui
lui demande d'organiser l'évacuation des Américains et Vietnamiens dont le départ est prévu vers des bateaux américains qui
croisent en mer de Chine du sud.
Mais aux premières heures du 30 avril, Martin, emportant le drapeau américain, prend place à bord d'un des derniers
helicoptères ayant participé à l'évacuation précipitée de l'ambassade qui a débuté la veille.
Graham Martin meurt d'une maladie cardiaque en 1990.
LES DERNIERS MORTS (Etats Unis d'Amérique) :
Deux Marines sont les derniers américains morts au combat le 29 avril 1975, la veille de la chute de Saïgon.
Le caporal Darwin Judge, 19 ans, et le caporal Charles McMahon, 21 ans, appartenaient à l'unité chargée de l'évacuation de
Saïgon.
Ils sont tués lors d'un bombardement des forces communistes sur la base aérienne de Tan Son Nhut, dans la banlieue de
Saïgon.
Deux autres Marines, le capitaine William Nystul, 29 ans, et le lieutenant Michael Shea, 25 ans, meurent également le 29 avril
lors de la chute en mer de leur hélicoptère.
JEAN-MARIE MERILLON (France) :
Surnommé "Mémé", l'ambassadeur de France à Saïgon Jean-Marie Mérillon joue un rôle majeur dans la tentative avortée de
mettre en place une "troisième force" censée être acceptable pour les dirigeants communistes de Hanoï.
Mérillon, un proche du président français Valery Giscard d'Estaing, encourage la nomination du général Duong Van Minh à la
présidence du Sud-Vietnam.
Mais, au moment où les troupes sud-vietnamiennes s'enfoncent dans le chaos, Hanoï refuse un tel compromis et le "Grand
Minh" ainsi surnommé en raison de sa taille, est acculé à la reddition.
LE DUAN (Nord Vietnam) :
Le Duan, le successeur de Ho Chi Minh, est Secrétaire général du Parti communiste vietnamien au moment de la chute de
Saïgon.
Il devient le plus important dirigeant du Nord-Vietnam après la mort d'Ho Chi Minh en 1969, un an après une offensive des
Vietcongs contre plusieurs villes et provinces du centre au sud du Vietnam dont il était l'un des principaux artisans.
Cette offensive du Têt 1968 s'est traduite par un échec militaire. Aux Etats-Unis, pourtant, elle a suscité un mouvement
d'opinion contre la guerre qui ira grandissant, et constitué pour Washington un revers politique qui s'avèrera déterminant.
Dès son accession à la tête du pays, la libération du Sud-Vietnam devient l'objectif prioritaire de Le Duan.
Né en avril 1907 dans une famille pauvre du centre, Le Duan rejoint le Parti communiste indochinois dès sa création par Ho
Chi Minh en 1930 et devient l'un des deux principaux responsables, avec le général Vo Nguyen Giap, de la lutte armée du sud
contre l'administration coloniale française.
Considéré comme un théoricien "pragmatique", il lance en 1957 le "programme de révolution au sud" organisant les forces
vietcongs et est l'auteur de la tactique "négocier en combattant".
Homme d'action et de terrain, Le Duan soutient personnellement en 1964 et 1975 un engagement militaire accru des forces
vietcongs au sud où il estime que les conditions se prêtent au déclenchement d'une offensive générale.
Le Duan reste le grand "patron" du Parti communiste vietnamien jusqu'à sa mort en juillet 1986.
LE DUC THO (Nord Vietnam):
Le Duc Tho sort de l'ombre pour négocier et signer en 1973 les accords de Paris qui mettent fin à l'engagement militaire
américain au Vietnam.
C'est à Paris que Le Duc Tho devient l'un des dirigeants vietnamiens les plus connus sur la scène internationale après de
longues et dures négociations avec le négociateur américain Henry Kissinger.
Dès 1968, Le Duc Tho occupe une place essentielle dans la conduite des négociations avec Washington comme conseiller
spécial auprès de la délégation nord-vietnamienne aux pourparlers de paix à Paris, puis comme chef de délégation.
Il refuse le Prix Nobel de la paix qui lui est décerné en 1973 en même temps qu'à Henry Kissinger.
Né en 1910 dans une famille aisée du Nord du Vietnam, il commence très tôt à militer contre la présence française et est l'un
des premiers à rejoindre en 1930 les rangs du Parti communiste indochinois fondé par Ho Chi Minh.
En 1975, le Bureau politique délègue Le Duc Tho au sud pour superviser l'offensive générale menée sous la direction du
général Van Tien Dung qui a conduit en 55 jours à la chute du régime de Saïgon.
Longemps resté extrêmement influent dans les instances dirigeantes du Parti, Le Duc Tho meurt en 1990 à Hanoï, à l'âge de 80
ans.
VO NGUYEN GIAP (Nord Vietnam) :
Le général Vo Nguyen Giap, héros de Dien Bien Phu, est l'un des principaux artisans de la victoire des forces communistes.
Compagnon de route de la première heure de Ho Chi Minh, ce fin stratège a joué un rôle déterminant dans les luttes
d'indépendance du Vietnam dont il a été ministre de la Défense pendant plus de 30 ans, avant de connaître une semi-disgrâce
au début des années 80.
Né en 1912 dans le centre, Vo Nguyen Giap commence à militer dès l'âge de 14 ans contre la présence française. Réfugié en
1940 en Chine, il rencontre Ho Chi Minh dont il deviendra le protégé. En 1944, il fonde l'Armée Populaire Vietnamienne
(APV).
Il entre dans la légende quand son armée écrase en 1954 les troupes françaises dans la cuvette de Dien Bien Phu, victoire qui
sonne le glas du corps expéditionnaire français en Indochine.
Cet homme au visage doux et à la voix affable a aussi un caractère et une détermination inflexibles et son armée méne une lutte
impitoyable contre l'US Air Force et le régime sud-vietnamien jusqu'à la chute de Saïgon en 1975.
Lors de la "campagne Ho Chi Minh" de 1975 Giap lance ses mots d'ordre aux soldats communistes: "rapididé, audace et
victoire sûre".
Malgré son prestige au sein de l'armée, il perd son poste à la Défense en 1980 et en 1982 il est écarté du Bureau politique du
Parti communiste vietnamien (PCV), officiellement pour des raisons d'âge et de santé, mais en fait en raison de divergences
avec les deux hommes forts du Vietnam, le secrétaire général du PCV Le Duan et le chef de la commission d'organisation du
PCV, Le Duc Tho.
Partiellement réhabilité lors du 6-ème congrès du PCV en 1986 Vo Nguyen Giap vit en semi-retraite à Hanoï.
TRAN VAN TRA (Nord Vietnam) :
Le général Tran Van Tra est le commandant des troupes nord-vietnamiennes qui prennent Saïgon.
Il dirige la campagne Ho Chi Minh, ces 55 jours d'offensive des troupes du Nord-Vietnam au cours desquels les villes du Sud
tombent l'une après l'autre.
Né en 1919 dans le centre du Vietnam, Tran Van Tra rejoint les rangs du Parti communiste indochinois en 1938.
A partir de 1963, il va au Sud, où il restera 10 ans, au sein du haut commandement du Vietcong.
Il est promu vice-ministre de la Défense en 1978 mais un livre qu'il publie en 1982 sur la campagne Ho Chi Minh est
immédiatement retiré de la vente pour avoir mis en doute la foi en la victoire des forces communistes de certains hauts
responsables militaires.
Le général Tra est écarté à la fin des années 80 par le régime communiste pour son non-conformisme avant d'être partiellement
réhabilité au début des années 90.
BUI TIN (Nord Vietnam) :
Le colonel de l'armée nord-vietnamienne Bui Tin reçoit, par hasard, le 30 avril 1975 la reddition du président du Sud-vietnam
Duong Van Minh.
Rédacteur-en-chef ajoint du quotidien de l'armée nord-vietnamienne (Quan Doi Nhan Dan) et officier du grade le plus élevé à
pénétrer dans le palais présidentiel, c'est donc lui qui co-signe le document qui marque la fin de la guerre du Vietnam.
Après 37 ans dans l'Armée populaire et 43 ans au Parti communiste, Bui Tin quitte le Vietnam pour s'installer en 1990 en
France où il s'engage dans l'opposition au régime communiste de Hanoi.
Bui Tin est exclu du PCV l'année suivante pour "trahison".
DUONG VAN MINH (Sud Vietnam, république):
Le 28 avril 1975, Duong Van Minh, un général de formation française, est intronisé président du Sud-Vietnam dans une ultime
tentative de conciliation avec les chefs communistes de Hanoï.
Deux jours plus tard, le général, surnommé "Grand Minh" en raison de sa taille, se rend sans condition aux communistes.
Alors que les troupes de Hanoï encerclaient Saïgon, rebaptisée depuis Ho Chi Minh-Ville, Minh avait abandonné sa retraite
politique de quatre ans dans le cadre d'un effort désespéré de mettre en place un gouvernement de "troisième force" acceptable
par Hanoï.
Quelques heures après la cérémonie d'intronisation de Minh, Saïgon se réveille sous un déluge de roquettes tandis qu'une
délégation envoyée par Minh pour tenir des négociations de paix avec une délégation communiste se voit signifier que de tels
pourparlers de dernière minute sont hors de question.
Né en 1916 à My Tho, au sud de Saïgon, Minh, un passionné de tennis et un grand amateur d'orchidées, dirige le coup d'Etat
de 1963 lors duquel le président du Sud-Vietnam Ngo Dinh Diem est tué.
Deux mois plus tard, il est renversé à son tour et part en exil.
Minh regagne ensuite le Vietnam pour diriger l'opposition à l'administration du président Nguyen Van Thieu soutenu par les
Etats-Unis. Il se présente à l'élection présidentielle de 1971, mais se retire rapidement en proclamant que cette élection est
truquée.
En 1983, Minh est autorisé à partir pour la France. Il vit toujours près de Paris et serait en mauvaise santé.
NGUYEN VAN THIEU (Sud Vietnam, république) :
Nguyen Van Thieu, président corrompu et indécis du Sud-Vietnam, convaincu que la victoire communiste est proche,
abandonne le pouvoir et s'enfuit du pays peu avant le 30 avril 1975.
Il s'était opposé aux Accords de Paris de 1973 qui avaient mis fin à l'intervention militaire américaine au Vietnam, considérant
que les Etats-unis abandonnaient le Vietnam à son sort.
En 1975, au plus fort de l'offensive nord-vietnamienne, Thieu assiste à la déroute chaotique de ses troupes.
Des centaines de milliers de réfugiés, militaires et civils, fuient devant les communistes et Thieu perd le contrôle de la situation.
Sous la pression américaine, il démissionne le 21 avril après un discours télévisé dans lequel il accuse Washington de ce qu'il
considère comme une trahison.
Né en 1923, Thieu avait participé brièvement au sein du Vietminh à la lutte contre la France avant de rejoindre l'armée
vietnamienne crée par les autorités coloniales françaises.
Il prend part au coup d'etat de 1963 au cours duquel Ngo Dinh Diem est tué, et est élu président en 1967. Il est réélu en 1971
lors d'élections considérées comme truquées.
Après sa fuite de Saïgon Thieu il part pour Taïwan avant de s'installer en Grande-Bretagne. Il vit aujourd'hui aux Etats-Unis.
NGUYEN HUU THO (Sud Vietnam, FNL) :
Lors de la chute du régime pro-américain de Saigon en avril 1975, Nguyen Huu Tho est président du Front National de
Libération (FNL) du Sud-Vietnam.
Il est, donc, ainsi, théoriquement le numéro un de la guérilla vietcong, et, à ce titre, devient chef de l'etat.
En fait, ce n'est là qu'une fiction: le pouvoir n'est pas entre les mains du FNL, mais entre celles des dirigeants communistes du
Nord-Vietnam.
Un an plus tard, lorsque la réunification de fait du pays sera acquise sur le plan formel, Nguyen Huu Tho se verra confier le
poste essentiellement protocolaire de vice-président du Vietnam.
Cet ancien avocat saigonnais avait été placé à la tête du FNL lors de la création en 1960 du front -- une structure mise en
place sur le modèle traditionnel en vigueur dans les régimes communistes où elles rassemblent les communistes, détenteurs du
pouvoir, et leurs alliés non communistes.
En 1980, Nguyen Huu Tho deviendra président par interim. Il occupera cette fonction jusqu'en juin 1981, date à laquelle il sera
élu président de l'Asssemblée nationale.
En 1994, il quittera toutes toutes ses fonctions officielles, et mourra en décembre 1996 à l'âge de 86 ans.
HUYNH TAN PHAT (Sud Vietnam, GRP) :
Au moment de la chute de Saïgon, Huynh Tan Phat est président du Gouvernement Révolutionnaire Provisoire (GRP) de la
République du Sud-Vietnam, qui mène la lutte armée contre le régime pro-américain du Sud-Vietnam.
Huynh Tân Phat est originaire d'un village paysan de la province de Bên Tre, à une centaine de km au sud de Saïgon, il a
adhéré au Parti communiste vietnamien en 1945.
Après les accords de Genève sur l'Indochine de 1954, il rejoint Saïgon et est en 1960 secrétaire général du Front national de
libération du Sud-Vietnam (FNLS). En juin 1969 il devient président du GRP.
Après la chute de Saïgon et la réunification du Vietnam, Huynh Tan Phat est nommé vice-Premier ministre du gouvernement
(1976). Il devient ensuite vice-président du Conseil d'Etat (1982), puis président du présidium du Comité central du Front de la
patrie (1983) et enfin vice-président du Conseil d'Etat (1987).
L'ancien président du GRP est mort en octobre 1989 à Ho Chi Minh-Ville à l'âge de 76 ans.
AFP, le 26 Avril 2000.
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